Ti Gégé
2011-06-27 21:58:24 UTC
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Chanchank était désolée, la banque refusait de lui faire le moindre crédit pour acheter le 2458ème épisode de "Plus belle la vie" en DVD. Plus un seul centime !
Un désespoir auquel se rajoutait la fuite de Don Willy, son mari, avec une gourgandine du nom de Coquelicot.
La mort dans l'âme, cette brave dame s'était résignée à abandonner ses trois enfants, les adorables petits cochons Adraméleck, Cromignon, et Tartempion.
En ultime recommandation, elle leur envoya un mail, en précisant qu'ils devraient se méfier du Grand Méchant Bout.
Egarés dans le bois de Chaville (là où il y a du muguet), ils rencontrèrent la douce fée Némésis qui confirma les risques encourus, et conseilla au trio de bâtir leurs maisons à l'épreuve des crachats du vieux singe fielleux.
Il fallait s'armer de courage, ce qui faisait défaut à Cromignon (le plaisantin du groupe) qui posa simplement une tente à une place dans un pré.
Un kilomètre plus loin, Tartempion avait profité d'une offre promotionnelle chez "Hic et Ha", pour se faire installer un abri de jardin.
Plus loin encore, Adraméleck avait jeté son dévolu sur une chapelle abandonnée, et avait procédé à sa rénovation et son aménagement, aidé en cela par Abel, Dromacor et Goupil, tous compagnons du devoir (la notion de solidarité est forte chez les jolis petits cochons).
Le Grand Méchant Bout vivait dans les latrines désaffectées de l'ancienne centrale eunuquecléaire, à l'orée du bois.
C'était un singe teigneux à la rancune tenace, marqué par un douloureux souvenir : Barbarella, sa promise, avait mis les bouts avec sa tirelire !
Cette tirelire, dodu petit cochon au dos fendu patiné par les caresses, le suivait depuis sa plus tendre enfance.
Depuis, il ne supportait plus les cochons !
Alors, lorsqu'il les entendit chanter au loin... son sang ne fit qu'un tour.
Il ôta sa jupe pour s'asseoir en tailleur, se concentra sur ses forces intérieures (surtout du côté gauche après la cuisine), puis émulsionna son yin, son yang, son moi, sa patte de lapin, son fer à cheval-d'arçons, et le stérilet de sa dure-mère.
Son cri lugubre déchira la nuit et le rideau du théâtre voisin.
Les cochons comprirent que le moment était enfin malvenu !
Le Grand Méchant Bout se leva, essuya quelques larmes anales, tira la chasse d'eau, et se mit en marche (avec sa grosse clef dans le dos).
Comme rien ne pouvait l'arrêter, il marcha de plus en plus vite, devenant trot, puis galop.
Il agrandit sa foulée de façon si aérienne que quelques papillons en gloussèrent d'envie. Les limaces applaudirent sur son passage.
A présent, un large sourire irradiait sa face parcheminée : on l'admirait !
Il fit un grand détour pour passer devant les vitrines des magasins pour se voir courir, lui, le singe à l'amplitude céleste.
Comme un prolongement inespéré -alors qu'il arrivait vers les petits cochons- ceux-ci l'acclamèrent.
Son coeur se gonfla, et se remplit de cette joie revancharde qui précède la félicité.
Il courut de plus en plus vite autour de leurs maisons, réclamant leurs applaudissements.
Il satellisait son orgueil, et accélérait de plus en plus pour... s'écrouler, victime d'un infarctus du myocarde !
L'autopsie conclut à une crise de vanité.
C'était le mois dernier, dans le bois de Chaville (là où il y a du muguet).